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Avons-nous capitalisé sur la censure des réseaux sociaux au Tchad ?

Le 19 janvier 2019, une campagne de protestation de grande envergure a été lancée contre la censure des réseaux sociaux au Tchad via la page Facebook lève-toi pour internet avec les hashtags #Maalla_Gatétou #KeepItOn #Save_internet_Tchad. Pour rappel, les réseaux sociaux sont censurés au Tchad depuis mars 2018. 

Pour se connecter à Facebook ou Twitter, il faut utiliser un VPN, ce qui à une incidence importante sur la consommation de nos données, même si les sociétés de téléphonie mobile Airtel et Tigo Tchad nous ont surpris en baissant significativement le prix de la connexion internet. 1Go qui coûtait 12000 francs CFA (environ 18 euros) est passé à 1500 FCFA (environ 2,30 euros). Une pluie de giga-octets dont on a beaucoup de mal à profiter à cause de ce goulot d’étranglement qu’est la censure.

Pourquoi la censure des réseaux sociaux fait plus mal que le coût d’internet ?

Personnellement, j’avais plus un problème avec la cherté de l’internet sur laquelle j’avais déjà écrit un billet à lire ici. Curieusement, cette cherté d’internet n’a pas mobilisé autant que la censure des réseaux sociaux, une attitude qui m’interpelle au plus haut point. Dans notre attitude d’éternels consommateurs, nous nous plaignons de la censure des réseaux sociaux sans, pour la plupart, justifier en quoi elle est préjudiciable. Justifier serait même un peu trop facile mais c’est dans la démonstration que c’est pas ça ! On se serait attendu de voir grimper le trafic sur les sites internet tchadiens grâce à cette censure que non !

Qu’est ce qui a entraîné la censure des réseaux sociaux au Tchad ?
censure des réseaux sociaux
Affiche de campagne, via la page Facebook Lève-toi pour internet

Tout le monde veut voir derrière la censure des réseaux sociaux au Tchad la toute puissance de l’administration qui a décidé de censurer ce qu’elle n’arrive pas à contrôler. Oui, on veut tous voir derrière cette censure l’agenda caché d’un gouvernement de cacher la vérité, la réalité du Tchad au reste du monde. Regardons plus loin dans cette histoire; interrogeons la qualité de nos publications sur les réseaux sociaux (Facebook en particulier). Un constat que fait la majorité de ceux qui « monitorent » les réseaux sociaux est que nous publions plus de contenus négatifs que de contenus positifs. Ce qui n’a pas vraiment changé depuis la censure, au contraire les choses vont de pire en pire.

Un appel à plus de contenus positifs sur les réseaux sociaux

Oui, cette censure devrait nous rappeler qu’une utilisation saine et responsable des réseaux sociaux serait profitable à tous. Une diffusion de contenus positifs impacterait sur la vulgarisation de la culture et l’art tchadien, sur l’économie, l’attractivité touristique du Tchad, etc. L’activisme n’a jamais développé un pays ; il doit exister dans un ensemble. Cette censure est l’occasion de repenser notre manière de nous exprimer sur les réseaux sociaux. C’est aussi l’occasion pour nous de vraiment diffuser des contenus qui nous sont utiles et profitables en tant que jeunes.

Le contrôle et la censure devraient favoriser l’innovation

Nous savons tous que la Chine est un pays fermé aux réseaux sociaux ; ce que tout le monde entier condamne. Mais derrière cette mesure exceptionnelle du gouvernement chinois, les chinois se sont créés leurs propres réseaux sociaux et qui pour certains sont plus excellents que ceux qui leurs sont interdits. Pour ceux qui connaissent WeChat, c’est un réseau qui n’a rien à envier aux autres. On aurait souhaité voir depuis lors des jeunes créer un réseau social tchadien pour combler la censure.

Et si le gouvernement tchadien décidait de définitivement bloquer (et non plus censurer) les réseaux sociaux, quelles sont les alternatives sur lesquelles nous avons commencer à travailler ? Voilà une interrogation qui mérite toute notre attention, même si personne ne souhaite voir cela arriver. C’est l’occasion pour nous tous producteurs de contenus de nous remettre en question. A ce que je sache Google, Wikipédia et les e-mails sont toujours accessibles.


Deuh’b Zyzou, un activiste culturel né vers les étoiles

Mon cher Deuh’b Zyzou permets-moi de te souhaiter un joyeux anniversaire toi qui est né vers les étoiles.
Contrairement à ce que l’on croit, nous nous sommes connus à tout hasard, sous l’entreprise du Didier Lalaye (Croque mort) qui faisait de toi mon point focal lors du Festival International N’Djam s’enflamme en Slam de 2017. Sans le savoir, c’était la naissance d’une nébuleuse culturelle qui était marches sous les vers et les rimes du slam.
Présent dans les mots et les maux, absent dans mon regard
L’on ne se rencontre presque jamais physiquement beaucoup n’y croiront pas d’ailleurs, par contre, nous nous rencontrons fréquemment, à travers tes écrits, à travers mes écrits, même à travers les écrits de ceux qui pensent créer un conflit entre nous. Ils ne le savent pas sans doute mais si nous avons justement quelque chose en commun c’est le conflit. Nous sommes en perpétuel conflit avec nous-mêmes, parce que nous refusons que la médiocrité et l’approximation deviennent des normes et des références dans la culture et l’art.  Tu es sans doute la personne que je n’ai presque jamais rencontré physiquement, d’ailleurs je rencontre et je serre la main plus à ceux qui nous traitent de conspirateurs, de négationnistes, des pessimistes et de fatalistes. Loin d’être ton complice, je suis ton ami, tu es un frère dont j’admire la plume Deuh’b.
Ta plume est dirigée vers les étoiles
Tu as la plume dirigée vers les étoiles, mais seulement les esprits nains ne regardent que la plume et non la direction vers laquelle elle pointe, Dommage pour eux mon cher Deuh’b! Tu n’as pas le souci de passer pour un maitre dans l’art du maniement des mots, mais t’es un véritable samouraï dans l’art de décapiter les maux. Conscient de ceux à qui tu t’adresses, tu t’es posé sur l’autel de leur compréhension, jouant avec leurs faiblesses, leurs manquements, leurs torts afin que ton message soit compris le plus clairement possible même par ceux qui vivent au milieu des écrans de fumée, les yeux tintés de jus de houblon. Pour ma part mon Deuh’b, dans chacune de tes publications, j’essaye de lire entre les lignes, pour trouver la quintessence, bien dissimulée au milieu des péjoratifs et des qualificatifs qui sont devenus ta marque de fabrique.
Tes messages sont des flèches décochées en direction d’une cible identifiée et connue
Tu n’es pas un adepte du « je m’adresse à tout le monde et à personne en particulier », non t’es un sniper! Tu es un soldat connu et qui se balade librement sur le champ de bataille, uniforme appropriée et arme au poing. J’ai du mal à comprendre que certains te traitent de terroriste, tu n’es pourtant pas dans cette guerre asymétrique où la seule tactique efficace est la lâcheté. Peut-être tu es d’un terrorisme plus profond, le genre à faire perdre le sommeil à un artiste à la veille et au lendemain d’une prestation. Si tel est le cas, je te demanderai en toute honnêtement d’arrêter  « ce terrorisme » qui est de nature à faire perdre leur sang froid à nos artistes.
Deuh’b je suis proche de toi comme intendant de la culture, mais loin de ta conciergerie politique
Il y’a des esprits nains qui me rappellent tout le temps que je finirai en prison un jour comme toi, ils ne le savent peut-être pas la prison j’y suis déjà allé et à plusieurs reprises en plus. Je sais que tu es un concierge de la République, qui est en guerre contre le régime politique établi. Un noble combat que je respecte mais qui malheureusement n’est pas celui qui nous a rapproché. Je sais pourtant à quel point la culture est tributaire de la politique, mais je viens d’un pays où le combat culturel continue et avance à pas de géant sans l’aide du politique. Je suis de ceux qui veulent voir émerger l’institutionnalisation artistique comme contre pouvoir. Cependant, dans un environnement où les artistes sont si corruptibles, si influençables, il est clair de se dire que la solution ne viendra pas de là.
Au moins ils ne te diront jamais que tu viens d’ailleurs
Mon cher Deuh’b, j’espère que ces quelques mots suffiront à te faire comprendre toute l’admiration que j’ai pour toi. Au moins de ta part ta naissance, tu ne peux pas faire l’objet d’attaques de ces singes qui perchés sur les cocotiers de l’ignorance et de la bêtise aiment à lancer sur d’autres les noix de xénophobie. Ils ne te diront pas que tu viens d’ailleurs, tu es le « produit local », le miroir incassable de leurs propres turpitudes. Continue de balader ce miroir à travers leurs concerts, dans les bars, dans les festivals, leurs publications sur les réseaux sociaux etc. Comment arrive-t-on à avoir peur de son reflet? Du reflet de ses propres dires, ses actes? Si le miroir vous renvoie une image déformée de vous-même, ça ne veut pas forcément dire que c’est le miroir qui a un problème.
Joyeux anniversaire Deuh’b Zyzou, LLP


Lettre de fin d’année à la culture tchadienne

Il  est de culture, pour nous les mondains, de vouloir croire que le début d’une année marque le commencement de quelque chose de nouveau, d’un nouveau départ, de nouvelles résolutions etc. Balivernes ! Nous serons là encore comme des cons à recommencer le même balai l’année suivante.

Depuis que l’or noir tchadien a perdu de sa superbe, tu es apparemment devenue le terrain privilégié des propagandistes, des voyeuristes, des visionnaires, des bienfaiteurs, des activistes hier politiques, qui ne se sont pas remis du KO présidentiel mais ont trouvé, en changeant de casquette, une nouvelle scène et un nouveau public pour les écouter.

Si tu le veux bien, je vais me permettre une fois de plus (et surement pas la dernière) de faire travail d’intendance pour toi et en ton nom, si je le peux bien sûr ! Tu es le seul domaine où tout le monde peut se permettre de dire et faire ce qu’il veut sans aucune incidence majeure. En bon intendant, laisse-moi te rappeler de quoi est constitué ton grenier.

Chère culture, la nature a horreur du vide

Tu me diras qu’en Afrique, le vide est une excellence stratégie de gouvernance, c’est vrai ! Mais dans ton cas, le vide te sera fatal, le vide dont tu fais l’objet plus que n’importe quel autre domaine a fait de toi un camp de réfugiés, de retournés venus asphyxier le très peu d’artistes que tu as pu forger jusqu’ici. Il te faut en forger plus, en fabriquer plus, pour que dans une purge naturelle, tous ces réfugiés et retournés aillent s’attaquer à un domaine moins noble et moins compliqué.

Que font tes artistes ? Qu’entreprennent ceux qui disent connaitre et détenir les clés de l’excellence artistique ? Que leur as-tu recommandé pour te venir en aide ? Que leur inspires-tu ?

Chère culture, les nationalistes sont en train d’envahir ton espace d’expression

Si la culture est universelle et sans frontière, chaque peuple a cependant sa culture et dans le choc des cultures, celles les plus véhiculées, les plus promues, les plus divulguées sont celles-là qui s’imposent et occupent l’espace des autres. Demande aux nationalistes, ceux-là dont le travail consiste à « forcer » les gens à consommer et à s’identifier aux œuvres culturelles de leurs frères nés sous la même bannière. La culture est avant tout une éducation, une façon de vivre, de voir et de raconter le monde. Lorsqu’un peuple ne se reconnait pas dans les productions artistiques de ses artistes, c’est que ces derniers ont échoué.

Le temps des approximations est passé, place à l’excellence, mes chers artistes

Un artiste est un ensemble formé par le talent, la connaissance et le travail. Voilà qui est dit, voilà qui doit être su. L’artiste est celui qui éduque, qui dénonce, qui revendique, qui crée des tendances, qui divulgue des nouvelles mœurs, brise des tabous etc. C’est un être d’exception, qui sait prendre de la hauteur en marge de la société dans laquelle il évolue. Il sait lire au-delà des mots, des critiques des calomnies. Il est le public et le public est lui. L’art et la critique sont intimement liés ; les artistes sont avant tout des critiques ; lorsqu’ils s’engagent, revendiquent, dénoncent, brisent le silence etc. un artiste qui n’accepte pas la critique n’en est pas un à vrai dire.

Dans votre mission d’éducation, de divertissement du peuple,  vous êtes érigés en modèles pour des générations à venir alors, travaillez à sublimer votre art, à mieux travailler vos textes, exprimer vous dans la langue que vous maîtrisez le mieux.

Tout le monde est ambassadeur de sa la culture

La promotion de la culture n’est ni un luxe, ni une vertu réservée à certaine personne. Cela n’est non plus un titre diplomatique que l’on embarque en même temps que sa valise dans la soute d’un avion ou dans le wagon d’un train, et encore moins un logo estampillé sur un vêtement. La promotion culturelle est avant tout intrinsèque à tout un chacun. Nos connaissances, nos forces, nos faiblesses, notre expression, notre comportement face à l’autre, c’est tout cela qui participe à la promotion de notre la culture. Des choses que nous ne pouvons malheureusement pas emporter dans des bagages ou dans des clés USB. Quand on s’engage à une cause, la première chose qu’on n’y engage c’est sa personne et sa personnalité, user de tous les subterfuges pour dire le contraire n’y changera rien.

Alors chers ambassadeurs, promoteurs, entrepreneurs culturels…

Aucune commission d’homologation n’a jamais été mise en place pour l’agrémentation de tel ou tel festival et encore moins pour en valider l’internationalisation. Aucun conseil supérieur des artistes ne s’est réuni à ce jour pour en nommer ses représentants, ses porte-paroles, ses avocats etc. Toute entreprise culturelle est avant tout une action personnelle ou commune à un groupe de personnes et qui seules en savent les motivations et les objectifs.

Ne vous comportez pas comme Christophe Colomb face aux indiens d’Amérique, prenez le temps de vous acclimater, de maîtriser l’environnement et ses spécificités, sinon entourez-vous d’une équipe compétente.

Voilà donc lancée la nouvelle année et ce qui est sur le travail d’intendance sera encore plus intense et plus âpre.

Point final


Comment les bienfaiteurs nuisent au showbiz tchadien

Qu’est-ce qu’un bienfaiteur? Selon le dictionnaire, c’est une personne qui fait du bien, qui rend service. C’est pour le dictionnaire là-bas! Etant donné la complexité qu’a revêtu la notion du bien et du service dans ce monde de plus en plus capitaliste et égocentrique, il convient de s’interroger sur la finalité du supposé bienfait ou service. Je vous embarque donc avec moi dans le showbiz tchadien que les bienfaiteurs ont pris en otage. Ils nourrissent tellement le showbiz de bienfaits que nous autres qui espérons gagner de l’argent dans le secteur, nous n’avons que nos yeux pour pleurer.

Notre showbiz qui en est encore à ses balbutiements, est un véritable fourre-tout. Tout, mais alors tout et n’importe quoi s’y côtoie, c’est l’un des rares milieux qui acceptent tout et ne rejettent rien. Au milieu de ce brouhaha, l’artiste, dans le sens le plus large et le plus « controversable » du terme, se retrouve au centre. Quand ailleurs l’artiste est la figure emblématique du showbiz, ici au Tchad, il n’est plus ni moins que le dindon de la farce. Un personnage qui n’attire que des bienfaiteurs – je m’en vais vous présenter les plus courants d’entre eux.

1- Les bienfaiteurs producteurs

Ils sont au sommet de la chaine alimentaire: ce sont des personnes relativement nanties. Chacun, pour des raisons qui lui sont propres, décide d’offrir gracieusement quelques unes de leurs devises aux artistes. C’est souvent pour financer la production d’un album, la sortie d’un single, l’organisation d’un spectacle etc. L’avantage essentiel pour l’artiste est que la bienfaisance exclut l’obligation de résultat ou même de comptes à rendre. Vu qu’il s’agit d’un don, le bienfaiteur n’a aucun droit de regard sur ce qui sera fait avec. Ce qui entraîne la plupart sur le chemin de l’enfumage et du saupoudrage, histoire de tromper la vigilance de tous.

Ces bienfaiteurs mettent pourtant des moyens parfois considérables et conséquents au profit de leurs ces artistes. Ceux-là deviennent des éléphants mais, à l’arrivée, accouchent de souris musicales. Ces pauvres souris qui durant leur très courte existence ne dépassent jamais « le voir bébé(1) » (la conférence de presse) auront même du mal à expliquer leur paternité plus tard. Que gagne même ces bienfaiteurs producteurs là? Leur citation dans les litanies de remerciements sur les réseaux sociaux ? Leurs noms scandés dans les bars par le bénéficiaires de leurs bienfaits à chaque prestation? Ou encore la satisfaction personnelle d’avoir fait une bonne action? La question reste entière.

2- Les bienfaiteurs managers

Ils viennent directement après les bienfaiteurs producteurs, ce sont des personnes qui, loin d’avoir les atouts nécessaires pour le management d’un artiste, se découvrent du jour au lendemain cette aptitude, comme résultat de leur longue expérience dans le milieu. Est-ce l’artiste qui fait appel à eux ? Est-ce lui-même qui se propose? La vérité se trouve quelque part entre les deux. Etant donné qu’on est toujours dans la bienfaisance, vu, donc, que ça ne coûte rien du tout à l’artiste, celui-ci est tout de suite preneur. D’ailleurs, si on n’a des bienfaiteurs producteurs, pourquoi refuser un bienfaiteur manager ? Voici donc notre artiste qui va confier sa gestion de carrière et d’image à la bienfaisance d’autrui, avec tout ce que ça implique comme risque.

L’artiste perd son droit de regard, son droit d’opinion sur sa propre personne au nom de la bienfaisance. Lorsqu’au bout de plusieurs actions entreprises le résultat ne suit pas, le bienfaiteur se cache derrière la gratuité et le bénévolat de son action. Le résultat aurait-il été différent si c’était officiel et payant ? Disons que oui ! Mais, tant que court l’action bienfaisante, l’artiste va subir et assumer seul tous les échecs des actes de son bienfaiteur manager. Transformer un artiste à un expérience de laboratoire aux mains d’un apprenti laborantin, alors qu’il apprend encore à se servir des outils de laboratoire, quelle tragédie !

Nous arrivons au morceau de choix; les bienfaiteurs promoteurs et là, on n’atteint le summum de la charité.

3- Les bienfaiteurs promoteurs

Avant d’attaquer cette catégorie, je vais vous livrer une parole d’évangile. En fait, Le Tchad est seul pays où tous les promoteurs culturels n’entreprennent que dans le but d’aider les artistes. Il n’existent pas plus bénévoles, plus altruistes que les promoteurs culturels au Tchad, quelque soit l’événement, il y’a une phrase qui revient toujours et fait force de loi: « Je ne gagne rien derrière tout ça, je fais ça pour vous aider ». C’est la phrase qui tue, celle devant laquelle tout genou d’artiste doit fléchir car c’est lui qu’on aide à la fin. Mais c’est là le début de toutes les dérives:

  • Des festivals internationaux aux contenus approximatifs, certains tenant même sur une seule journée, c’est pour vous aider;
  • Des cérémonies de récompenses capables de récompenser un artiste n’ayant aucune chanson, c’est la diaspora qui veut aider les locaux;
  • Les mannequins qui sont payés en monnaie de singe, c’est pour les aider à être professionnels;
  • Le mépris à répétition des artistes qui prennent par aux concerts des stars internationales;
  • Ces artistes qui s’adonnent aux plus basses besognes pour rembourser les multiples aides dont ils ont bénéficié des promoteurs;

Comment en est-on arrivé là au juste? Que s’est-il passé pour que les artistes sont aujourd’hui considérés comme des retournés à qui faut apporter des aides de toute nature? Bien malin celui qui pourra répondre à cette question. Mais, en attendant, je vais mettre fin à cette dictée. De grâce, chers bienfaiteurs et bienfaitrices, vos dons et bienfaits font plus de mal que de bien à la fin.

(1) voir bébé: cérémonie à travers laquelle l’on présente officiellement son nouveau-né aux amis et proches


« Je suis 235 et toi ? », l’histoire d’une opération de communication au Tchad

Durant quelques semaines, j’ai été particulièrement intrigué par la présence des affiches, banderoles et bannières web qui me saturaient les yeux avec « Je suis 235 et toi ? » Au début, j’ai préféré ne pas faire attention à cette campagne patrio-nationaliste, qui, pour moi, n’en était qu’une de plus comme on a l’habitude d’en voir ici.

Seulement, les choses se sont clarifiées hier, le 21 novembre 2017, quand le principal opérateur mobile du Tchad, Tigo, a convoqué une conférence de presse sous ce label. C’était en fait un teaser pour lancer une nouvelle offre de leur entreprise que j’allais aussi découvrir durant cette conférence.

Affiche Teaser de l’offre Chabab – avec l’aimable autorisation de tchadinfos.com

Je me rends donc dans une salle de l’hôtel Hilton de N’Djamena spécialement décorée pour la circonstance, après quelques gesticulations d’usage pour faire durer un suspense qui n’en était plus un apparemment, il faut dire que je me suis senti comme la queue, je veux dire crétin, en constatant que bien des personnes qui me sont proches savaient déjà de quoi il s’agissait. C’est une offre appelée « Chabab » spécialement taillée pour la jeunesse tchadienne, qui épouse leurs aspirations en leur accordant des avantages XXL… Plus sérieusement, vous risquez de penser que Tigo Tchad m’a payé pour faire leur pub ; je vais me servir de cette offre pour relever quelque chose de plus pertinent.

Durant un court instant, j’ai nourri l’espoir de croire que mon plaidoyer pour l’internet moins cher au Tchad avait eu un écho favorable auprès des seigneurs de l’internet tchadien, je me suis foutu le doigt dans l’œil apparemment. Rien de nouveau à l’arrivée sous le ciel digital très ensoleillé du Tchad. Quand je pense que dans la présentation à laquelle nous avons eu droit, il est dit clairement que « la vision de Tigo Tchad s’est d’adaptée aux aspirations des jeunes et les accompagner aussi bien dans leur quotidien que dans leurs défis futurs », j’ai une seule question : « seriously ? »

L’offre jeune ou « Chabab », c’est de la poudre de perlimpinpin

L’offre est longue comme le bras : sms illimités, appels à 1f/secondes, Facebook, WhatsApp & Viber gratuits de 22h à 6h…

Voilà les trois ingrédients qui constituent l’essentiel de la poudre miracle que Tigo veut vendre à la jeunesse tchadienne. J’ai beau chercher, rechercher, tourner ça dans tous les sens, mais je n’ai pas trouvé mes aspirations dans ça hein ? Aaaah ok ! J’ai plus de 25 ans ! Mince ! Parce que les jeunes de moins de 25 ans c’est 50% de la population tchadienne.

Il y a 50% de la population qui va passer son temps à publier les statuts à Toto, les photos filtrées et s’adonner aux conversations les plus osées sur WhatsApp et Viber entre 22h et 6h. Une grande porte ouverte à la cyberprostitution et à la délinquance sexuelle, je trouve. Je peins un triste tableau c’est vrai, mais j’ai mes raisons qui vont suivre.

Qui s’occupera du SAV des « Chabab » ?

Il y a une semaine, l’Institut Français du Tchad (IFT) lançait la semaine du numérique avec un thème très interpellateur : « Usages personnels et professionnels du numérique dans la société tchadienne contemporaine. »

Derrière ce thème, une problématique importante était évoquée : « l’utilisation optimale et saine des TIC » et comme par enchantement (restons dans l’esprit de la magie), les deux gros FAI(*) du Tchad étaient aux abonnés absents. En tout cas, Wenak Lab’s aura du pain sur la planche d’ici peu de temps…

En quoi est-ce profitable à un jeune d’être connecté de 22h à 6h du matin sur les réseaux sociaux ?  Surtout quand LinkedIn et Twitter n’en font pas partie ? Il faut dire que Tigo fait du business et non de l’éducation civique, l’État n’a qu’à dégraisser les taxes et on verra ensuite.

On attend toujours l’offre de la jeunesse consciente et entreprenante

Il y a donc cette jeunesse qui est comme moi là, consciente, qui utilise les réseaux sociaux comme une vitrine de promotion de son savoir-faire. Ce n’est pas avec les 20Mb de « Chabab » là qu’elle fera grand chose, oui, oui, en fait il s’agit de 20Mb offerts à partir de 22h par Tigo Tchad. Pour les gens comme moi, ça suffit juste à afficher les notifications de Facebook ; donc à 22h05 on aura terminé. Nous les blogueurs, les téléchargeurs, les uploadeurs, les Youtubeurs, nous qui faisons des recherches poussées sur internet.

Nous avons perdu l’habitude de saisir un SMS dont le nombre de caractères par message est bizarrement très court. Quelle est notre solution? Ne me dites pas 1Gb à 12 000 frs, ça ne permet pas de mettre une vidéo HD de 3 minutes en ligne.

Tout vendre, tout avoir, tout mériter parce qu’on est 235… ça au moins c’est vrai !

Marque PS Music 235 Credit photo: Rolland Albani

Quoiqu’il en soit, le 235 là a quand même eu certaines personnes hein ? LOL ! Comme les gens ont pris la fâcheuse habitude de vouloir tout vendre, tout avoir, tout réussir sous la couverture du bleu-jaune-rouge. C’est le propre d’une certaine frange de la jeunesse tchadienne que je côtoie depuis un certain temps. Lorsqu’ils sont à l’extérieur, ce n’est pas pour être faire valoir leurs compétences, non pas du tout ! C’est pour qu’on remarque bien les couleurs du drapeau tchadien qui serpentent leurs vêtements ou encore le grossier #235 estampillé dessus. Tigo Tchad a chopé la bonne vague, espérons-le.

Et comme là-bas la connexion est moins chère, c’est l’occasion de nous saturer des #LesNouvellesSontBonnes, #LeTchadAussi, #235EnForce. La vérité est qu’à la l’arrivée on dira que soit c’est le jury qui n’était pas à la hauteur du talent, ou alors on va récolter un prix d’encouragement d’avoir été le seul 235 dans une marée de jeunes d’autres pays. En tout cas jusqu’ici ça marche : faire appel à la revendication identitaire pour se vendre. Comment peut-on revendiquer ce que l’on est par naissance ? J’ai jamais compris le projet derrière et je pense que je ne comprendrai jamais cela. Ma dictée s’arrête là, tout en souhaitant à Tigo d’engranger le capital sympathie qu’il recherche chez les jeunes. Peut-être avec le concert de Magic System à 2000 et 5000frs.

(*) Fournisseur d’accès Internet