Comment les bienfaiteurs nuisent au showbiz tchadien

Article : Comment les bienfaiteurs nuisent au showbiz tchadien
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16 décembre 2017

Comment les bienfaiteurs nuisent au showbiz tchadien

Qu’est-ce qu’un bienfaiteur? Selon le dictionnaire, c’est une personne qui fait du bien, qui rend service. C’est pour le dictionnaire là-bas! Etant donné la complexité qu’a revêtu la notion du bien et du service dans ce monde de plus en plus capitaliste et égocentrique, il convient de s’interroger sur la finalité du supposé bienfait ou service. Je vous embarque donc avec moi dans le showbiz tchadien que les bienfaiteurs ont pris en otage. Ils nourrissent tellement le showbiz de bienfaits que nous autres qui espérons gagner de l’argent dans le secteur, nous n’avons que nos yeux pour pleurer.

Notre showbiz qui en est encore à ses balbutiements, est un véritable fourre-tout. Tout, mais alors tout et n’importe quoi s’y côtoie, c’est l’un des rares milieux qui acceptent tout et ne rejettent rien. Au milieu de ce brouhaha, l’artiste, dans le sens le plus large et le plus « controversable » du terme, se retrouve au centre. Quand ailleurs l’artiste est la figure emblématique du showbiz, ici au Tchad, il n’est plus ni moins que le dindon de la farce. Un personnage qui n’attire que des bienfaiteurs – je m’en vais vous présenter les plus courants d’entre eux.

1- Les bienfaiteurs producteurs

Ils sont au sommet de la chaine alimentaire: ce sont des personnes relativement nanties. Chacun, pour des raisons qui lui sont propres, décide d’offrir gracieusement quelques unes de leurs devises aux artistes. C’est souvent pour financer la production d’un album, la sortie d’un single, l’organisation d’un spectacle etc. L’avantage essentiel pour l’artiste est que la bienfaisance exclut l’obligation de résultat ou même de comptes à rendre. Vu qu’il s’agit d’un don, le bienfaiteur n’a aucun droit de regard sur ce qui sera fait avec. Ce qui entraîne la plupart sur le chemin de l’enfumage et du saupoudrage, histoire de tromper la vigilance de tous.

Ces bienfaiteurs mettent pourtant des moyens parfois considérables et conséquents au profit de leurs ces artistes. Ceux-là deviennent des éléphants mais, à l’arrivée, accouchent de souris musicales. Ces pauvres souris qui durant leur très courte existence ne dépassent jamais « le voir bébé(1) » (la conférence de presse) auront même du mal à expliquer leur paternité plus tard. Que gagne même ces bienfaiteurs producteurs là? Leur citation dans les litanies de remerciements sur les réseaux sociaux ? Leurs noms scandés dans les bars par le bénéficiaires de leurs bienfaits à chaque prestation? Ou encore la satisfaction personnelle d’avoir fait une bonne action? La question reste entière.

2- Les bienfaiteurs managers

Ils viennent directement après les bienfaiteurs producteurs, ce sont des personnes qui, loin d’avoir les atouts nécessaires pour le management d’un artiste, se découvrent du jour au lendemain cette aptitude, comme résultat de leur longue expérience dans le milieu. Est-ce l’artiste qui fait appel à eux ? Est-ce lui-même qui se propose? La vérité se trouve quelque part entre les deux. Etant donné qu’on est toujours dans la bienfaisance, vu, donc, que ça ne coûte rien du tout à l’artiste, celui-ci est tout de suite preneur. D’ailleurs, si on n’a des bienfaiteurs producteurs, pourquoi refuser un bienfaiteur manager ? Voici donc notre artiste qui va confier sa gestion de carrière et d’image à la bienfaisance d’autrui, avec tout ce que ça implique comme risque.

L’artiste perd son droit de regard, son droit d’opinion sur sa propre personne au nom de la bienfaisance. Lorsqu’au bout de plusieurs actions entreprises le résultat ne suit pas, le bienfaiteur se cache derrière la gratuité et le bénévolat de son action. Le résultat aurait-il été différent si c’était officiel et payant ? Disons que oui ! Mais, tant que court l’action bienfaisante, l’artiste va subir et assumer seul tous les échecs des actes de son bienfaiteur manager. Transformer un artiste à un expérience de laboratoire aux mains d’un apprenti laborantin, alors qu’il apprend encore à se servir des outils de laboratoire, quelle tragédie !

Nous arrivons au morceau de choix; les bienfaiteurs promoteurs et là, on n’atteint le summum de la charité.

3- Les bienfaiteurs promoteurs

Avant d’attaquer cette catégorie, je vais vous livrer une parole d’évangile. En fait, Le Tchad est seul pays où tous les promoteurs culturels n’entreprennent que dans le but d’aider les artistes. Il n’existent pas plus bénévoles, plus altruistes que les promoteurs culturels au Tchad, quelque soit l’événement, il y’a une phrase qui revient toujours et fait force de loi: « Je ne gagne rien derrière tout ça, je fais ça pour vous aider ». C’est la phrase qui tue, celle devant laquelle tout genou d’artiste doit fléchir car c’est lui qu’on aide à la fin. Mais c’est là le début de toutes les dérives:

  • Des festivals internationaux aux contenus approximatifs, certains tenant même sur une seule journée, c’est pour vous aider;
  • Des cérémonies de récompenses capables de récompenser un artiste n’ayant aucune chanson, c’est la diaspora qui veut aider les locaux;
  • Les mannequins qui sont payés en monnaie de singe, c’est pour les aider à être professionnels;
  • Le mépris à répétition des artistes qui prennent par aux concerts des stars internationales;
  • Ces artistes qui s’adonnent aux plus basses besognes pour rembourser les multiples aides dont ils ont bénéficié des promoteurs;

Comment en est-on arrivé là au juste? Que s’est-il passé pour que les artistes sont aujourd’hui considérés comme des retournés à qui faut apporter des aides de toute nature? Bien malin celui qui pourra répondre à cette question. Mais, en attendant, je vais mettre fin à cette dictée. De grâce, chers bienfaiteurs et bienfaitrices, vos dons et bienfaits font plus de mal que de bien à la fin.

(1) voir bébé: cérémonie à travers laquelle l’on présente officiellement son nouveau-né aux amis et proches

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Commentaires

Ngaba Jr
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Où est la place du professionnalisme artistique ?
D'une part c est les artistes qui se mettent dans cette posture du quémandeur et non du quémandé. Pour une prestation du quartier ou d un bar dancing chacun veut s'arracher l'affiche géante du festival pour d'emblér ternir leur image via ce cadre (Bar,zangazanga...) sans le savoir.
D'autre part la réalité du pays ne leur permet pas de refuser toute offre argentée du faite que dans ce milieu le plus riche des artistes est un quémandeur ...
Les prometteurs sont des show Man Biz, donc le seul mot qui part et revient dans leur bouche c'est toujours "c est pour promouvoir la culture et aider les artistes "
Faites un tour dans les quartiers où siègent ces artistes vous comprendrez que c est sur un podium qu'il est Musicien mais dans la vie réelle c'est un chroniqueur, un doungourous, barman , ...
Rencontrez les pour négocier un cachet et vous constaterez qu'il n'a même pas
-Manager ( je ne parle pas des bienfaiteurs manager)
-Avocat
-chargé de Com
-Etc.
Souvent ils sont payés juste à leur valeur du faite que Tous n'ont pas le plus bas de fondement artistique .
Dans d'autres pays on ne discute pas avec l'artiste pour son contrat cest d'autres personnes de son équipe qui s'en charge de chaque critère du contrat cest pourquoi ils sont mieux organisés que nos apprentis musiciens.
Respect à certains artistes qui ont su se donner la valeur cest pourquoi on les paye cher et mieux .

Dounia
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J'avoue que c'est bien visé

Hissein Camara
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Bravo Roland , j'avoue que c'est net et pour ces raisons certains bienfaiteurs promoteurs , en plus de s'arracher la tête de l'event , pensent en retour que Le soleil quitte leurs fesses pour arriver au ciel. Donc sans eux la vie de l'artiste ne sera illuminée au beau jour.