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Education des enfants au Tchad : l’handicape de la langue

C’est connu par tous et repris par tous, le temps d’une conférence, d’un forum et autres ; le droit universel à l’accès à une éducation de qualité reconnu aux enfants. Seulement, c’est une réalité autre sur le terrain. Le premier handicap d’accès à l’éducation pour les enfants c’est la langue. Pas les langues que nous ont transmises nos aïeux, mais celles que le colon nous ont ramené dans leurs bagages en même temps que la Bible et le Coran.

Je me lève un matin et je trouve comme d’habitude une bande de gamins dont l’âge varie entre 4 et 6ans jouant devant la cour de la maison. Arrivé à leur hauteur, je dis : « Bonjour ! » ils me rendent mon bonjour dans un ton rempli d’hésitation. Voyant leur gêne, je continue : « Comment vous avez dormi ? » ils se dévisagent tous durant un moment. Deux d’entre eux s’éloignent rapidement, une manière de signifier leur démission à la conversation. L’un deux, le plus âgé apparemment me réponds sans trop de conviction « j’ai dormi… très bien ». Admiratif de son effort, je décide de lui offrir un paquet de biscuits. Le lendemain matin, c’est plutôt ces enfants qui vinrent vers moi avec des « Bonjour grand ! Bonjour grand ! »

La langue est le véhicule de l’éducation par excellence, seulement au Tchad, il existe une réelle inadéquation entre l’éducation familiale et l’éducation scolaire. L’éducation familiale se fait en dialectes et l’éducation scolaire en français ou en arabe. Un véritable casse-tête pour les jeunes cerveaux d’adolescents qui ne demandent qu’à apprendre. La langue est la pierre angulaire dans le processus de matérialisation de la pensée humaine : ce qu’on pense, on le dit. Tout ce qui est produit par notre esprit, c’est à travers la langue que nous le partageons avec le reste de nos semblables. Cela revient à dire que si la langue d’expression est mal maitrisée, cela déteint sur les productions de l’esprit.

Au Tchad, nous avons deux grands groupes humains: les nordistes et les sudistes; et que ce soit l’un ou l’autre, la langue française reste un vrai casse-tête pour chacun avec quand même certaines variables que l’on soit nordiste (à prédominance musulmane) et sudiste (à prédominance chrétienne). Je ne traiterai pas le problème distinctement entre les groupes mais je relèverai juste les généralités. Pourquoi la langue française pose-t-elle problème à l’éducation des enfants au Tchad?

Le français n’est pas la langue courante au Tchad, encore moins pour les enfants.

Enfants s’amusant ©Rolland Albani

Voilà le fondement même du problème. Au Tchad, les langues parlées couramment en majorité sont l’arabe local (très différent de l’arabe littéraire) et les dialectes tels le Ngambaye. Les premiers mots de l’enfant ne sont pas dits en français, est-ce une mauvaise chose en soi ? Pas forcément ! Le problème est que 80% de ces enfants ne prononceront leurs premiers mots français qu’à l’école. Parce qu’autour d’eux, le français est totalement absent : presque personne n’utilise le français pour s’exprimer au quotidien. Cela est tel qu’une personne qu’on croise dans la rue s’exprimant en français est presque toujours un étranger. Et même pour celui qui s’exprime en français, il passe presque pour un paria aux yeux des autres. Dans les rues, dans les commerces, dans les bureaux administratifs, dans les entreprises, le français est très absent.

Comment s’éduquer en français sans le français ?

Cour de recréation ©Rolland Albani

L’éducation se fait à 3 niveaux pour un enfant : à la maison, sur le chemin de l’école et à l’école. A la maison comme sur le chemin de l’école, le français est absent. Les parents ne s’expriment généralement pas en français avec leur progéniture. L’enfant fait véritablement connaissance avec le français à l’école et ça ne dure que quelques heures (maximum 6 heures). Il va ensuite sereinement retrouver ses langues courantes au quartier et à la maison. Dans ce cas, difficile d’apprendre à parler, comprendre et écrire une langue en même temps et qui puis est le français dont les techniques d’écriture sont si complexes! En fait, les enseignants et les correcteurs font preuve d’une étonnante tolérance dans leurs exercices en faisant l’impasse surement sur les maladresses linguistiques des enfants en s’attardant plus sur le fond que la forme.

Est-ce une particularité propre au Tchad ?

Non, ce n’est pas une particularité propre au Tchad, d’ailleurs, le taux d’alphabétisation du Tchad (35% en 2011) est supérieur à celui Mali, du Niger et du Burkina Faso. Voilà seulement, les politiques d’alphabétisation mises en place ne sont pas efficientes et durables. Il faudrait une plus grande implication des parents dans les processus d’alphabétisation car ils sont les premiers à avoir une influence linguistique sur leur progéniture. Amener les parents à s’exprimer avec leurs enfants dans la langue d’études de ces derniers serait une avancée significative.

Le système éducatif tchadien est l’un des plus instables qui soit en Afrique. L’enseignement est l’un des corps professionnels les plus marginalisés par les politiques. C’est un constat amer qui touche presque tous les pays de l’Afrique subsaharienne. Les politiques africaines de certains pays sont de nature à mettre à genoux des corps de métiers très sensibles, sur lesquels repose pourtant l’avenir de toute nation. Il s’agit de l’éducation, la justice et la santé. Il n’y a rien à attendre d’une nation avec une population non instruite, mal-en-point et pour laquelle la justice est un mythe.

Les premières victimes des politiques sociales marginalistes sont toujours les enfants, eux qui sont le maillon le plus faible de la chaine vitale de la société. Ils sont des consommateurs, ils ne vivent que du fruit du travail de leurs parents. Il va donc s’en dire que le mal-être de leurs parents leur est fatal à tous les niveaux surtout en matière d’éducation et de santé. La solution se trouve donc aux mains des politiques qui malheureusement, ne semblent pas du tout pressés de résoudre le problème de l’éducation au Tchad. Dans pareilles circonstances, difficile de placer nos espoirs dans l’avenir dont on ne connaît pas de quoi elle sera faite. Nous naviguons à vue, dans des eaux troubles.


Musique urbaine made in Tchad : pourquoi ça ne marche (toujours) pas ?

crédit photo: Rolland Albani

La musique urbaine est en pleine explosion en Afrique et selon des observateurs avertis, ça ne fait que commencer en fait. C’est une musique qui échappe à toutes les règles et à tous les codes régaliens qui se sont imposés au fil du temps dans le showbiz. Un peu partout en Afrique, on voit des jeunes inconnus encore hier devenir des superstars du jour au lendemain grâce à la musique urbaine. Le Nigéria, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Cameroun et le Congo en sont les exemples par excellence. Ces pays produisent à la pelle des nouveaux visages dans ce paysage tout le temps. D’autres pays cependant réussissent néanmoins à avoir un, deux, trois, voire quatre dignes ambassadeurs dans cet univers en pleine expansion : le Gabon, le Mali, le Burkina Faso,  la Guinée, le Sénégal ne sont pas en reste. Le Tchad est un curieux absent dans cette nouvelle tendance et pour des raisons qui sont multiples.

Une absence qui crée beaucoup de frustrations chez les mélomanes tchadiens qui s’exaspèrent de ne pas aussi voir leurs artistes sur les chaines musicales internationales, de ne pas les voir sur les grands podiums à travers le monde, de ne pas les voir dans des featuring* qui vont rêver avec d’autres superstars africaines, américaines et européennes. Essayons de comprendre pourquoi nos artistes sont absents dans cette révolution en marche.

La musique urbaine est une musique de variétés difficile à suivre pour l’artiste tchadien

Artistes tchadiens en herbe – Crédit photo: Rolland Albani

La musique urbaine est une musique où le vent tourne très vite. S’il suffit de d’un seul hit pour y entrer, il faut ensuite rapidement enchaîner pour rester sous les projecteurs. On n’y reste pas au top avec un hit, parce qu’en termes de hits, ça bouscule gravement derrière. Pour l’instant l’on en n’est pas encore là surtout que le tout n’est pas de produire un hit mais maîtriser le circuit qui va permettre que ce hit arrive aux oreilles d’ailleurs.

La musique urbaine est une musique hyper connectée, mission impossible pour le Tchad dans l’état actuel des choses.

Crédit photo: Rolland Albani

Mon dernier billet dans lequel j’implorais Airtel et Tigo pour la connexion internet doit vous aider à comprendre que c’est le boulet que la musique urbaine traine aux pieds. La première plateforme de diffusion de la musique urbaine ce sont les réseaux sociaux. L’artiste urbain doit y être présent 24h/24 à travers des posts, des lives, des covers etc. c’est le meilleur moyen et le moins coûteux de toucher le public à l’international. Dans un pays où  1Gb d’internet coûte 12 000frs CFA, comprenez que tous ces jeunes musiciens talentueux en devenir n’ont que les yeux pour pleurer quand ils voient un tel sésame leur passer sous le nez faute de moyens.

Le Tchad n’a pas ses gurus du showbiz

Crédit photo: Rolland Albani

Dans la majorité des autres pays, ils existent de véritables gurus du showbiz, des personnes capables même de transformer de l’eau en vin (on voit leurs œuvres sur Trace LOL !). Ce sont des producteurs dont le simple nom suffit à mobiliser toutes les attentions. Ce sont des têtes fortes dans le showbiz ; ils entretiennent une relation privilégiée avec les proprios des salles de spectacles et des night clubs, les DJ, les animateurs culturels, les journalistes et chroniqueurs culturels à travers le monde. Ils ont la capacité financière pour amener un artiste (bon, moyen ou médiocre) au sommet du showbiz.

Au Tchad, il n’existe pas pareille personne. Nous avons ce qu’on appelle à tort ou à raison des promoteurs culturels. Un titre qui peut être attribué tantôt à un riche fan qui décide de vous produire un album, aux proprios des buvettes qui vous font jouer de temps en temps, à un riche homme d’affaires ou homme politique chez lequel on va faire des courbettes de temps à autre pour diverses raisons. Seulement, pour ces différents promoteurs culturels qui aident les artistes, tout leur importe sauf la réussite de l’artiste. Faut pas compter sur eux pour voir l’international.

L’absence des artistes tchadiens sur les chaines musicales internationales

Sultan en prestation – Crédit photo: Rolland Albani

Sur la planète musique urbaine, les chaines musicales internationales sont des soleils indispensables dans le rayonnement des jeunes pousses. Trace ( Africa & Urban), BBlack ou encore la toute dernière née DBM TV sont des canaux incontournables mais sur lesquels les artistes tchadiens sont absents. Au départ, l’on a justifié cette absence par la mauvaise qualité des clips des artistes qui ne répondaient pas aux normes de diffusion. cela à pousser certains à importer des réalisateurs étrangers à coups de millions pour faire des clips « professionnels ». les rares qui ont eu la chance d’être diffusés, ça n’a pas duré longtemps. Retour aux oubliettes! d’aucuns ont accusé certains personnes proches de la chaine la plus plébiscitée de monnayer la diffusion alors qu’elle est censée être officiellement gratuite. Quoiqu’il en soit même avec l’arrivée des nouvelles chaines, l’on aperçoit toujours pas le Tchad dans les playlist… Mystère.

N’Djaména n’est pas une ville attractive pour le showbiz africain.

L’espace spectacle de la maison de la culture Baba Moustapha – Crédit photo: Rolland Albani

Quand des artistes chantent et veulent s’attirer des audiences ils ont cette manie de citer les noms des capitales du showbiz à travers l’Afrique. Vous allez par exemple entendre un artiste nigérian citer Douala, Accra, Abidjan, Bamako, Dakar, Yaoundé, Conakry etc. il s’agit en fait des villes qui sont des destinations privilégiées pour un éventuel concert. Même les congolais qui sont champions dans cette exercice, jamais vous n’entendriez N’Djaména dans leurs litanies. Parce qu’il n’y a rien qui les motive à citer N’Djaména (par extension le Tchad).

Ce morose tableau ne présage rien de bon pour le Tchad. Un grand rendez-vous de plus avec l’histoire que le Tchad est entrain de rater après celui de la révolution numérique. Ce qui est le plus désolant est que ce sont des domaines par excellence où s’exprime la jeunesse. Que nous reste-t-il donc ? nous en reparlerons.


Plaidoyer pour l’internet moins cher au Tchad

Chers Airtel Tchad et Tigo Tchad*, je viens par la présente auprès de votre haute responsabilité citoyenne solliciter un forfait internet qui puisse nous permettre jeunes entrepreneurs, blogueurs, youtubeurs, étudiants de pouvoir participer aux échanges avec le monde entier car pour le moment, nous recevons plus que nous ne donnons.

Nous importons plus que que nous n’exportons

En fait, nos connexions internet sont à l’image même de la plupart de nos économies en Afrique centrale : nous importons (download) plus que nous n’exportons (Upload). Les connexions qui nous sont accessibles sont configurées d’ailleurs à ce dessein car il est plus facile et plus bénéfique de recevoir que d’envoyer. Dans pareilles conditions qu’attendez-vous de l’avenir ? Ne seriez-vous pas les premiers bénéficiaires de l’économie numérique ?  En fait je pense que vous avez plus à gagner qu’à perdre à rendre l’internet moins cher et accessible à la jeunesse.

Internet est un boulet à nos pieds quand ailleurs il est l’accélérateur

Vous soutenez, chacun à sa manière des initiatives d’entrepreneuriat digital et numérique depuis plusieurs années mais où en sont les fruits ? Les échanges les plus productifs et les plus fertiles se font aujourd’hui via les formats audiovisuels qui consomment énormément de data. D’ailleurs l’évolution incessante des téléphones sont là pour nous le rappeler. Que peut faire un jeune entrepreneur numérique, un étudiant, un blogueur, un web journaliste avec 1Go d’internet qui lui coûte 12 000frs CFA ? Surtout lorsqu’il doit envoyer des informations ? Ce coût élevé de l’internet est un boulet que nous traînons à nos jambes et qui nous maintient dans les bas fonds de l’économie numérique.

Le rêve africain est lié à l’économie numérique

Je suis conscient des pressions fiscales que vous subissez mais je refuse que ce soit le prétexte pour laisser tomber la jeunesse tchadienne. Savez-vous que le rêve africain aujourd’hui du moins celui de voir un fils de pauvre devenir riche se construit autour de l’économie numérique et de la culture ? Nous ne regrettons pas la disparition de vos concerts géants car ils ne servaient qu’à downloader les artistes internationaux ici et à uploader de l’argent dans leurs poches. Ce que nous voulons aujourd’hui c’est un forfait qui nous permettent d’uploader l’économie et la culture tchadienne vers l’extérieur. Vous savez bien que nous les jeunes nous n’avons aucune emprise sur nos économies régaliennes d’exploitation des ressources naturelles. L’économie numérique et culturelle sont les rares voire les seules où nous pouvons exploiter souverainement notre ressource intellectuelle.

NON ! Internet n’est pas l’accès aux réseaux sociaux

Même si l’effet de masse vous fait croire que l’internet chez les jeunes se limite à l’accès à Facebook, Snapchat ou Instagram, il y’a une jeunesse consciente qui a s’exprime à travers les réseaux et des plateformes professionnels. Malheureusement, leur expression est limitée à cause de la difficulté de production et de mise en ligne de contenus. Devrai-je vous dire que d’une certaine façon la jeunesse la plus positivement productive est la jeunesse prolétarienne ? Comment partage-t-elle ses productions qui sont d’utilité publique ? Et que dire dont de la culture ? Comment peut-elle évoluer, s’exporter ? Se pérenniser ? Exceller ? Si elle reste coincée derrière les barrières douanières d’internet ? Les réseaux sociaux sont incontournables dans l’économie numérique mais en amont il y’a la production et le partage des contenus qui sont des actions d’uploading et quand une connexion d’1Go vous propose 600kb/s en download et 55kb/s en upload vous comprenez tout de suite que mettre 100Mo en ligne est un concours de patience et qu’1Go de data ne suffira surement pas pour cet exercice…

Que dois faire le jeune étudiant qui veut suivre une formation en ligne ? L’entrepreneur numérique qui doit publier ses contenus ? L’artiste qui doit mettre ses œuvres en ligne ? Comment se déploie la presse en ligne ? Cette presse qui est la presse de l’avenir qui est encore certes  à ses balbutiements au Tchad car elle ne rapporte pas encore, comment va-t-elle à l’assaut de la concurrence régionale ? Internationale ? La compétitivité de l’économique numérique rime avec qualité et  rapidité de disponibilité des contenus. La qualité des contenus rime avec haute définition ; haute définition rime avec haut débit. Je m’arrête là.

Pensez-nous un forfait qui encourage le travail et l’abnégation.

Si vous nous proposez des forfaits illimitées à haut débit par exemple 10Go de data à 1000frs entre minuit et 6h, vous contribuerez à rendre la société et la jeunesse meilleure. Tous les jeunes qui bossent vraiment ne démentiront pas si je dis que c’est l’intervalle d’heures où l’on est le plus productif. Un intervalle d’heures qui aura le mérite d’arracher des jeunes des mondanités nocturnes et à forger chez d’autres l’abnégation et l’endurance. Cela vous permettra aussi d’engranger un capital sympathie auprès de la jeunesse jadis entretenu par des concerts géants. Permettez aussi à la jeunesse tchadienne de faire sa révolution numérique. Ne laissez pas la jeunesse tchadienne vous rendre coupable de sa probable léthargie, mettez la face à ses responsabilités, face à son destin.

Dans l’attente d’une suite que j’espère favorable, je vous prie Messieurs Airtel et Tigo, de bien vouloir croire en l’expression de ma plus profonde sincérité.

*Les deux principaux opérateurs téléphoniques au Tchad.


Massood & Waïti: deux styles qui se côtoient sans se mélanger

Ils sont jeunes, ils appartiennent au même label, ils ont (ou presque) les mêmes influences musicales mais les exploitent différemment. Ils font parti de la nouvelle génération d’artistes tchadiens ancrés dans la musique urbaine, dont le regard est tourné vers l’international et la main posée sur le cœur pour leur chère patrie, le Tchad. Regard croisé sur deux artistes en herbe à travers leurs derniers singles.

Il y a exactement deux semaines, Massood Dgam nous faisait découvrir via Facebook et Youtube le clip vidéo de son single « Maman » et le 1er juillet, Waïti nous dévoilait le titre « Habi » en featuring avec sa « très habituée » Lincy. Même si les deux sont signés dans le même label, ils sont des produits de deux mondes bien différents. En voici la preuve.

L’underground pour Massood et le bling bling pour Waïti

Massood Dgam est un produit des bas fonds de N’Djaména qui ont forgé son style. Il chante et rappe essentiellement en gambaye et en bunda (langage codé des gars de la rue dont l’illustre ambassadeur est Ray’skim) avec quelques brins de français. Il est doté d’un timbre vocal grave, qui n’est pas sans nous évoquer chez nous les « écouteurs » l’accent d’un bri qui a déjà pris un truc… bref !

Waïti lui semble plutôt issu de la crème sociale de N’Djaména, il est résolument et définitivement marié aux codes made by the american dream : chaines, tatouages à outrance et tout ce qui va avec. Il a un flow très calqué sur le flow américain, à cheval entre le RnB et le rap. Il pose en français, en arabe et en anglais, un mélange qui donne une certaine originalité à son flow, très inhabituel pour le Tchad. Alors, qu’est ce que ça nous donne au micro pour nos deux soldats du Death Crew ?

L’amour pour une mère de l’underground pour Massood

Le titre « Maman » de Massood rend un hommage authentique à ces mères de l’underground, qui la plupart du temps élèvent seules leur progéniture, contre vents et marrées, à la sueur du dur labeur des petits commerces. Elles rêvent toujours grand pour leurs enfants, même si elles n’ont pas la toujours les moyens de les conduire vers une vie autre que la leur. « Maman voulait voir son fils pilote ou médecin » un rêve qui se réalise très très rarement pour des enfants qui côtoient en même temps les dangers de la rue et un quotidien de vie dans le stricte minimum.

La street vidéo qui accompagne le son montre à suffisance de quoi est faite la rue tchadienne. Une vidéo que je vous recommande fortement…

Mon seul regret est que cette vidéo publiée n’est pas au format en HD, impossible donc d’être récupérée par des chaines de télévisions d’ailleurs pour diffusion.

L’amour pour une fille pour Waïti

« Habi » est sûrement le sujet du son de Waïti en featuring (une fois de plus) avec Lincy, un son que vous pouvez écouter ici…

Officiellement sorti le 1er juillet 2017. Aucune date n’a été annoncée pour le clip je vous tiendrai au courant qui ça se fait ! « Habi » n’est pas sans personnellement me rappeler le son « Chamatah » en featuring avec Lincy que vous pouvez voir ici…

Le son est fidèle à l’esprit des collabo à l’américaine où lorsque Usher retrouve Alicia Keys en feat c’est pour se chanter qu’ils sont leur « my boo » et vice versa.

Voilà de quoi il s’agit essentiellement dans « Habi », j’espère simplement que pour cette fois le beat sur lequel nos deux featuristes s’expriment n’est pas une propriété américaine. Le son chatouille bien l’ouïe même le flow que nous propose Waïti en anglais semble être simplement le rassemblement de plusieurs expressions très entendues dans les sons américains. Voyons jusqu’où nous pourrons transporter ce duo.

Plus de maturité chez Massood, plus de promesses chez Waïti

Sur le fond et la forme, Massood semble le mieux aligné sur les nouveaux code de la variété urbaine africaine. Oui, ils font tous les deux de la variété… vous savez, ce genre de son qu’on aime qui, le temps d’une saison ensuite va aux oubliettes. C’est vrai que certains réussissent à faire d’une variété un classique mais c’est hyper difficile dans l’actualité musicale qui prévaut sur l’Afrique.

Massood représente cette jeunesse d’en bas qui assume son passé et son présent, rêve son futur. Il est bien sûr influencé par les courants urbains qui viennent d’ailleurs mais n’affichent aucun complexe face à cela. Il propose un style authentique qui avec la force du travail pourra côtoyer les sommets au même titre que Nash l’ambassadrice du Nouchi ivoirien. Il rejoint dans ce style le kôrô Rayskim.

Waïti représente une jeunesse multi-identitaire, dont l’identité change et se transforme au fil des rencontres. A cheval entre le RnB et le rap, il est sur une proposition brute, qui on l’espère avec la force du travail arrivera à tailler son diamant. Actuellement dans la variété, l’heure est à la varité africaine authentique, qui porte le tissu pagne avec le jeans, qui s’est éloigné des codes linguistiques et vestimentaires euro-américains. Kiff No Beat, NG Bling, Franko, Locko, Fanicko, Mink’s etc. en sont des illustrations parfaites.

Nous allons continuer à suivre ces deux soldats du Death Crew de très près. C’est un vent de renouveau qui souffle sur la scène tchadienne. Il le faut car il y’a encore énormément et nous encourageons l’effort fait même si l’environnement n’est pas un cadeau.

Musicalement votre.


le challenge entre ciel et terre, anges et démons: Je suis dans l’eau

Depuis le 1er juin, il y’a une actualité qui retient l’attention de toute la webosphère camerounaise en particulier : la mystérieuse disparition d’un évêque camerounais qui a vite crée le buzz au point d’enfanter un challenge qui vient relayer les #BidoumChallenge et #MamaFoudaChallenge aux oubliettes. Un challenge à cheval entre la compassion des uns et le cynisme des autres, tout dépend de comment on perçoit la chose.

D’abord les faits : depuis le mercredi 31 mai 2017, le prélat est donné absent auprès de ses ouailles. Son véhicule retrouvé près du pont du fleuve Sanaga avec des indices clairement exposés laisse croire de prime à bord à un suicide. Sa pièce d’identité et surtout un mot sur un papier à l’effigie du prélat : « Je suis dans l’eau ». La toile s’est vite enflammée de cette actualité avec des photos du prélat et celle de l’intérieur de son véhicule ou l’on voit distinctement sa pièce d’identité et le mot supposé laissé par lui.

Ce qui retient mon attention c’est comment les différents personnages des réseaux sociaux ont réagi face au #JeSuisDanslEauChallenge qui a enflammé la toile. Chacun pour les raisons et les principes qui lui sont propres est allé de son appréciation. A l’analyse faite des différents mouvements de pensée et de positions qui circulent sur le web actuellement, il en ressort pour ma part quelques points pertinents que je me dois de mettre en lumière.

Je suis dans la foi

La foi, la colonne vertébrale de la religion. Cette supposée vertu qui exige de ceux qui en sont imprégnés de faire preuve d’une fidélité à toute épreuve à l’église productrice de cette foi. C’est la catégorie la plus sensible et la plus hostile à la tournure qu’a pris cette disparition. Pour eux, il n’est point tolérable de « rire » ou de tourner en dérision la disparition d’un être humain quel qu’il soit. Certains en appellent à la colère divine contre les ricaneurs et d’autres encore appellent le Seigneur à les pardonner car ils ne savent pas ce qu’ils font; comme l’a fait l’illustre Fils de Dieu alors que ses semblables s’employaient à le clouer sur une croix au Mont Golgotha.Y’en a-t-il parmi eux qui nourrissent secrètement l’espoir que le prélat ait marché sur les eaux comme son illustre maitre? Je ne saurai le dire.

Pour cette catégorie, peut importe les raisons de cette disparition ; suicide ? Meurtre maquillé ? Peut importe ! Il s’agit avant tout d’un homme et de sur quoi un homme de Dieu et d’une famille actuellement au désarroi. L’on devrait observer un minimum de respect pour cela.

Je suis dans la « joie »

Il s’agit d’une joie bien contenue cependant. Elle se détecte chez les ouailles de la concurrence sur le marché très concurrentiel de la chose religieuse. Les ouailles des nouvelles églises qui se réjouissent que pour une fois qu’il ne s’agit pas des prestations de leurs patrons qui sont en cause sur la toile. C’est vrai qu’on n’a vu presque personne proférer des insultes à l’endroit du prélat disparu, même si notre Maahlox national n’a pas manqué à ces habitudes sur cette actualité. Il faut dire que le commentaire et la critique de la chose religieuse sont proportionnels à la foi de tout chacun en son église. Bref, passons ! C’est de bonne guerre je crois et en plus cette situation est une opportunité pour les pasteurs d’arracher quelques clients à la concurrence.

Je suis dans le doute

Est-ce qu’un homme de Dieu peut-il se suicider ? Voilà la question qui tourmente tous les « sachants » des réseaux sociaux. L’enseignement de l’Eglise catholique condamne le suicide, apparemment cet acte conduit directement en enfer. « Si un évêque se suicide déjà nous autres ont va faire comment ? » s’interroge un autre facebookien. Beaucoup refuse de croire en un suicide et pour ma part je pense que c’est de cette conviction qu’est née le #JeSuisDanslEauChallenge comme un appel à la vigilance et à la recherche de la vérité.

Qui peut bien juger de l’intention qui se cache derrière une publication si ce n’est l’auteur lui même ? Quoi qu’il en soit tout ceux qui ont relevé le challenge sont depuis hier la cible des membres de l’agence des défenseurs de la morale et de l’éthique sur les réseaux sociaux. Où tous semblent bien d’accord c’est sur la remise en cause de la thèse la plus plausible que livrent les premiers indices.

Au Cameroun (comme presque partout en Afrique), on ne démissionne pas, on ne se suicide pas !

Dans les pays d’outre-mer, la démission est la punition que s’auto-inflige un responsable d’une structure publique ou privée qui a failli à sa mission. La décision peut venir de lui-même ou des forces supra hiérarchiques peuvent le pousser à la démission. Le suicide lui est un peu plus complexe car les raisons sont souvent diverses : dépressions mentales, déception, désespérance, désespoir etc. toujours est-il que ça rentre dans une certaine normalité là-bas.

Chez nous ne dit-on pas souvent que la honte a foutu le camp ? Quelques soient les frasques commis par un responsable, quelque soit la situation qu’on vit chez nous, on s’accroche à son fauteuil autant qu’on s’accroche à la vie. Qui est prêt à renoncer au poisson braisé bien pimenté accompagné d’une bière ? Personne ! Même après 33ans passés dans les bains de lait et les menus au caviar. D’ailleurs l’appétit ne vient-elle pas en mangeant ? L’envie de vivre ne vient-elle pas en vivant ?

 Je suis dans le challenge

Le challenge qui s’ouvre réellement par le biais de cette macabre affaire est bien plus profond que celui affiché à travers les multitudes de photos qui circulent actuellement sur les réseaux sociaux. Pour certains politiciens, c’est l’occasion de s’interroger sur la série de disparition mystérieuse des membres de l’église catholique au fil du temps. Ils y voient la main cachée du pouvoir en place. Pour d’autres encore, les opposants aux religions importées, c’est l’occasion de sonner un fois de plus l’alarme afin que les africains retournent dans les forêts se réconcilier avec leurs vrais dieux.

Je suis dans l’attente

Au pays où le gouvernement est appelé la grande muette, au pays où les catastrophes, les hécatombes ont l’art de tomber dans les oubliettes, on se risque quand même à attendre. Beaucoup d’ailleurs sont surpris que le grand perroquet de la République n’est pas encore multiplié les conférences de presse. Bref, attendons voir ; il y’a le temps du maitre du temps, il y’a le temps de Dieu, il y’a le temps de Facebook. Pour ce qui est de Facebook, le temps de Koumateke Monique est passé, le temps d’Ibrahim Bello est passé, le temps du drame d’Eseka aussi est passé. Espérons que le temps de l’évêque ne passera pas si vite. Peut-être mes compatriotes de Yaoundé verront la cathédrale s’illuminer ce soir en bleu en hommage à l’évêque.

J’ai retrouvé pour vous une interview accordé par le disparu évêque à la télévision nationale camerounaise. vous pouvez la voir ici

Pour ceux qui ont raté les images du challenge, petit recap’ pour vous.